Actualité Juridique
Le paiement partiel constitue t-il une cause d'interruption de la prescription?
Par Patrice Samuel Aristide BADJI
Agrégé des Facultés de droit
Université Cheikh Anta Diop (Sénégal)
Si le temps est un mécanisme de consolidation ou d’acquisition d’un droit, il peut devenir aussi destructeur d’une créance. Dans cette dernière hypothèse, quelle aubaine pour un débiteur de mauvaise foi, n’ayant pas contesté l’existence de la créance ou ayant un grief contre le créancier comme c’est le cas dans l’arrêt dont nous nous proposons de faire le commentaire. En effet, l’article 16 de l’AUDCG (Acte uniforme portant droit commercial général) précise que « les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants, ou entre commerçants et non-commerçants, se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions plus courtes ». En considération de cette disposition, le débiteur, en l’occurrence YAYE ISSAKA, gérant des établissements TABA KAMA, reproche au Tribunal de commerce de Niamey, saisi le 21 Août 2017 par la société El, d’avoir constaté que la créance de la Société El Nasser n’est pas prescrite, dit qu’il n’y a pas lieu à reddition des comptes et que la créance est fondée ; en conséquence, de l’avoir condamné à payer à la société El Nasser 94.346 USD représentant le reliquat des différentes commandes passées, alloué à la société précitée la somme de 1.000.000 à titres de dommages et intérêts moratoires.
C’est la prétendue violation de la loi (en l’occurrence l’article 16 AUDCG. Pour rappel, les cas d’ouverture à cassation n’étaient pas consacrés dans le Règlement de Procédure de la CCJA du 18 Avril 1996. Cette insécurité judiciaire a poussé un auteur à se demander si la CCJA est elle-même habilitée à édicter de cas d’ouverture à cassation à défaut de se référer à ceux existant au niveau des Etats Parties. La seconde solution est celle qui a été choisie. Désormais et depuis 2014, les cas d’ouverture à cassation sont prévus à l’article 28 bis du Règlement de procédure de la CCJA)[1] par le Tribunal de commerce de Niamey qui a justifié le pourvoi en cassation du 27 juin 2018 contre le jugement n°36 rendu le 19 mars 2018 ; lequel a abouti, le 24 janvier 2019 à une décision de la première chambre civile de la CCJA.
Les faits ayant donné lieu à ce contentieux relatif au respect par les parties à la vente commerciale de leurs différentes obligations, sont relativement simples et la question à laquelle la CCJA devait répondre est celle de savoir si une partie à un contrat de vente commerciale dont la créance n’est pas contestée par le débiteur certes, mais qui n’a pas réclamé celle-ci dans les délais exigés par la loi, peut se voir opposer par ce dernier, l’exception de prescription ? En combinant les articles 16 et 23 de l’AUDCG, la CCJA répond par la négative (I). Mais le juge communautaire ne s’est pas arrêté en si bon chemin puisqu’il a reproché au débiteur son manque de diligence (II).
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