Actualité Juridique
La procédure d’injonction de payer en 10 questions et en 10 réponses, Essai d’harmonisation de la jurisprudence camerounaise
Par
Par EYIKE-VIEUX
Magistrat, Ecrivain
Sous-directeur de la législation pénale au ministère de la justice (Yaoundé-Cameroun)
Le législateur communautaire a cru bien faire en consacrant une bonne partie de l’Acte uniforme n°6 (Titre 1 du Livre 1er, articles 1er à 18) à la procédure d’injonction de payer dont le noble but est le recouvrement rapide des créances. Quoi de plus normal dans la vie des affaires qu’on veut prospères en Afrique ! Mais c’était sans tenir compte des réalités du terrain. En effet, si la requête et la décision d’injonction de payer ne posent pas de problèmes majeurs, il en va autrement en cas d’opposition à injonction de payer. Dans l’un et l’autre cas, que d’obstacles en la matière ! Ils résident dans les questions de savoir qui du président du tribunal de première instance ou de celui de grande instance est compétent pour connaître des requêtes aux fins d’injonction de payer (1), quelle juridiction est compétente pour connaître des oppositions à injonction de payer, et en quelle matière (2), la production de l’original de l’assignation (3), le paiement du supplément de la consignation (4), le sens à donner aux dispositions de l’article 12 de cet Acte (5), le caractère obligatoire ou non de la mention des intérêts dans l’exploit de signification de la décision portant injonction de payer (6), la mention de l’huissier de justice instrumentaire et du greffier en chef du tribunal saisi dans l’acte d’opposition (7), la demande d’expertise financière (8), la clôture contradictoire des comptes bancaires (9) et le respect ou non des dispositions de l’article 36 du CPCC (10).
A cette question, il faut ajouter celle-ci : que faire lorsque le président du TPI est en même temps président du TGI, Avant d’y répondre, disons que traitant de la requête aux fins d’ordonnance d’injonction de payer, l’article 3(1) de l’AUPSRVE pose : « La demande est formée auprès de la juridiction compétente du domicile ou du lieu où demeure effectivement le débiteur… ». Cette requête, enchaîne l’article 4 (1) du même texte, doit être déposée au greffe de la juridiction compétente. Quant à la décision d’injonction de payer ou celle de rejet de la requête, elle est rendue par le président de la juridiction compétente, aux termes de l’article 5.
Au Cameroun, pour déterminer cette juridiction, il faut se référer aussi bien à la jurisprudence qu’aux articles 15(1)(b) (nouveau), alinéa 2 et 18(1)(b) (nouveau) de la loi n°2006/015 du 29 décembre 2006, telle que modifiée par celle n°2011/027 du 14 décembre 2011. L’un dispose : « Le tribunal de première instance est compétent pour connaître, en matière civile […] des demandes de recouvrement, par procédure simplifiée, des créances civiles d’un montant inférieur ou égal à dix millions (10.000.000) de francs CFA. […] Le président du tribunal de première instance ou le magistrat du siège par lui délégué à cet effet est compétent pour […] rendre les ordonnances sur requête ». L’autre énonce, sans plus : « Le tribunal de grande instance est compétent pour connaître, en matière civile […] des demandes de recouvrement, par procédure simplifiée des créances civiles d’un montant supérieur à dix millions (10.000.000) de FCFA ».
Par interprétation de ces deux textes, la jurisprudence, unanimement, admet que c’est le président du TPI, « juge naturel des requêtes », qui est compétent pour connaître des demandes aux fins d’injonction de payer dont le montant est inférieur ou égal à dix millions de FCFA, alors que son homologue du TGI connaît de celles dont le montant est supérieur à cette somme d’argent.
Il peut s’agir du même magistrat, lorsqu’il est à la fois président du TPI et président du TGI. Au moment d’examiner les requêtes aux fins d’ordonnance d’injonction de payer, il doit se souvenir qu’il porte une double casquette et statuer au cas par cas. Il doit veiller à ce que le requérant s’adresse à lui soit comme président du TPI, soit comme président du TGI, jamais « comme président des tribunaux de première et grande instance de Sangmélima et du Dja et Lobo ». Il doit également veiller à ce que le cachet rond soit convenablement apposé sur la décision portant injonction de payer, c’est-à-dire le cachet du président du TPI ou celui du président du TGI, selon le cas.
La problématique de cette question réside, outre dans les dispositions des articles sus-cités, dans celles des articles 14(4) (nouveau) (a)(b), 17(9) (nouveau) (a)(b) – instituant les chambres au sein des TPI et TGI – et dans l’article 9(1) de l’AUPSRVE qui dit : « Le recours ordinaire contre la décision d’injonction de payer est l’opposition. Celle-ci est portée devant la juridiction compétente dont le président a rendu la décision d’injonction de payer ».
Au Cameroun, lorsque la décision d’injonction de payer a été rendue par le président du tribunal de première instance, l’opposition est portée devant le TPI. Lorsqu’elle a été rendue par le président du tribunal de grande instance, l’opposition est faite devant le TGI. Mais devant quelle chambre sont enrôlées ces oppositions ? Est-ce devant la chambre civile ? Est-ce devant la chambre commerciale ? En quelle matière statue la juridiction saisie ? Est-ce en matière civile ? Est-ce en matière commerciale ? Ou alors en matière civile et commerciale ? Ces questions méritent d’être posées car non seulement les articles 15(1)(b) (nouveau) et 18(1)(b) (nouveau) sus-cités n’ont visé que les créances civiles,[1] en plus, dans beaucoup de juridictions – surtout celles situées dans de petites villes –, on tient des audiences lors desquelles sont appelées à la fois les affaires civiles et les affaires commerciales. Dans certaines grandes villes, à l’instar de Douala, les affaires venant sur opposition à injonction de payer sont connues lors des audiences commerciales. Tel est, par exemple, le cas au TGI du Wouri, l’ordonnance n°039/PTGI/W/DLA du 02 février 2015 portant désignation des présidents des différentes audiences indiquant : « AUDIENCES COMMERCIALES (OPPOSITION A INJONCTION DE PAYER ET AUTRES ASSIGNATIONS) ». C’est une exploration et une construction jurisprudentielles.
Quoi qu’il en soit, lorsque le tribunal connaît des affaires venant sur opposition, il doit préciser qu’il statue en matière commerciale, si la créance a une origine commerciale, et en matière civile, si elle a une origine civile. Par contre, il doit éviter de dire : « Statuant en matière civile et commerciale ».
3 - Le problème de la production de l’original de l’assignation
L’article 362 du Code général des impôts interdit, sous peine de sanctions pécuniaires, aux juges de statuer sur les actes non enregistrés. Dans la pratique, ...Cliquer pour lire la suite
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